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From The Pine...

"Le temps tue le temps comme il peux."

Le temps d'un regard

Le sable s’écoule. Les dunes se forment. Et mon esprit se vide. Plus j’essaye de construire et plus ma pensée s’effondre. Le désert. Sec. Sans vie. Désespérément blanc.

Le parfait écho de cette toile qui se dresse devant moi. Fière et insolente, sur son support de bois. D’une pureté nivéenne, c’est une montagne vierge de toute trace. Un horizon éternellement flou. Un océan sans rivage. C’est une promesse autant qu’une malédiction. Elle m’observe. Elle m’obsède. Elle me possède. Elle est cette inconnue qui vous met au défi d’un simple regard. Elle se tait pour l’instant mais elle a 1000 choses à dire. Elle attend patiemment dans l’ombre que je me mette à nu. Que je fasse le premier pas. Le premier geste.

Doucement le sable ralentit sa chute. Cette seconde s’attarde. La lumière se fige. Les couleurs et les formes aussi. Et puis bon, puisque la fascination est mutuelle…

Ma main tremble au début. Elle doute. Puis maladroitement elle vient frôler la surface. Il faudra être subtil au début. Rester vague. Conserver une vue d’ensemble. Ebaucher délicatement les contours. Courber les lignes. Pointer les frontières. Toucher du doigt pour adoucir les contrastes. Jusqu’à ce que finalement je rentre délicatement dans les détails. Le contact se fait alors plus naturel, plus familier. L’échange est passionné. Parfois violent. Précis. Vivant.

Je dois garder confiance quoiqu’il arrive. Même lorsque je sens que je perds cette main. Que la situation m’échappe. Que je déborde du cadre. En un clin d’oeil, une ombre est apparue. Les formes se dérobent. Les couleurs s’estompent. Ralentis. Tiens ta langue. Ferme les yeux. Et respire. Garde le contrôle. Puis lentement reviens.

Je dois changer d’approche. De point de vue. De perspective. C’est un combat sans fin. Prouver que l’on ne s’est pas tromper. Le prouver aux autres mais aussi à soi-même. Se rassurer constamment. Ce carré blanc sur fond de vie incarne à lui tout seul seul les doutes qui m’affligent. Ils m’aveuglent. Ils me paralysent. Soudain je pose la question de la légitimité de tout cet effort. Et le suis-je moi-même ?

Je suis écrasé sous le poids des grands maîtres qui se succèdent depuis l’aube. Du petit jour, jusqu’au crépuscule, ils ont ponctués les grandes heures de l’humanité sous la lumière de l’histoire. Ils sont ces grands moments de mon histoire. Les uns après les autres, ils ont consacré leur existence à bouleverser la mienne. Jusqu’à ce que, finalement, dans la nuit de l’instant, mon arrogance s’invite au bal, et sans le moindre carton.

Je suis cet artiste. Le vrai. Celui dont vous enviez la créativité et l’indépendance d’esprit. Celui qui perçoit et pressent quand vous ne faîtes que voir et sentir. Celui qui vous parle par métaphores, par symboles. Celui qui d’un geste sûr, vous fascine, vous transporte, vous énerve. Celui qui s’élève patiemment du reste. Celui qui vous perd. Je suis celui que vous finissez par détester parce que vous êtes convaincu qu’il vous méprise. Je suis ce tableau de prétention que vous peignez dans votre esprit.

Ou peut être suis-je cet apprenti qui se cache. Celui qui vous observe de loin. Celui qui vous veut. Désespérément. Mais qui vous fuit. Celui qui a besoin de vous pour se sortir de lui même. mais qui peine à le faire. Celui que vous fascinez, que vous inspirez. Celui qui vous modélise dans son esprit à chaque instant. Celui qui ne sait rien mais qui veut vous éveiller. Vous révéler. Et en choisissant ce pinceau, je me suis engagé.

Je me suis engagé à changer votre approche. Votre point de vue. Votre perspective. Capter votre regard. Vous faire sortir de votre vie pour, le temps d’une seconde, vous plonger dans la mienne. Je veux vous montrer ce que je vois, et comment je le vois. Je veux vous choquer, vous surprendre, vous faire douter. Je veux vous charmer, vous transporter, vous changer. Je veux conjuguer intemporalité et pertinence dans ce message. Et je veux le faire de la plus belle des façons.

Certaines utopies nécessitent des mots. D’autre du temps. Mais ici le sable, inéluctablement, fini par reprendre sa course. Les secondes et les heures passent, la lumière s’assombrit, les couleurs changent, les formes vacillent. Et mes paupières aussi.

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